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Les jolies choses, ce n’est pas fait pour les filles comme moi ?!

Virginie Despentes fait partie de ces personnalités, que l’on aime ou que l’on déteste, mais qui ne laisse pas indifférent.

Autrice à succès pour certains, pornographique et vulgaire pour d’autres, elle aura à travers deux décennies et quelques dizaines de livres su imprégner son empreinte. Si aujourd’hui elle fait partie de la prestigieuse académie Goncourt (NDLR : depuis janvier 2016), la respectabilité n’a pas toujours fait partie de sa vie.

Là où certains la jugent dans la provocation permanente des limites de l’obscénité, je fais partie de celles/ceux qui voit en elle ce renouveau féministe dont on avait bien besoin.


Issue d’une famille dont les parents étaient tous deux syndiqués, elle apprend très vite « L’international ». La revendication, les bagarres et l’insurrection font parties de son quotidien dés sa plus tendre enfance, et ne la quitteront plus.

Bien qu’assagie, nul n’ignore son passé de punk-rock, sa période de prostitution et sa dépendance à l’alcool. Sa vie est à l’image de son oeuvre : percutante et bruyante.


Lorsqu’enfant elle lisait de façon boulimique, elle ne se doutait pas qu’un jour elle écrirait une oeuvre qui allait marquer toute une génération « Baise-moi ». A ce propos elle s’exprimait dans une interview de Télérama en 2015 : « Si je repense à l'époque où est paru Baise-moi, il me semble que la société est devenue plus prude, et l'atmosphère plus réactionnaire. En même temps, sur la féminité, on est plus ouvert. Si une jeune femme écrivait l'équivalent de Baise-moi aujourd'hui, cela ne susciterait pas les mêmes réactions qu'il y a vingt ans, sur le mode : une jeune fille ne doit pas écrire sur le sexe, et pas de cette façon ! Et pourtant, on voit bien comment la figure de la femme-mère est revenue en force depuis une quinzaine d'années, assignant à la femme cette fonction maternelle qui devrait être spontanée, instinctive. »


Si son engagement féministe n’est plus à prouver, il l’est avec les poings. Les mots sonnent chez elle comme de sanglants uppercuts, laissant parfois le goût d’un baiser amer sur les lèvres.

C’est ce que j’ai ressenti à la découverte de son essai « King Kong Théorie » : une profusion de coups dans la figure qui me disait : réveille-toi !


Pourtant la toute première fois que j’ai été confrontée à cette oeuvre, c’était il y a plus de dix ans dans les rues du quartier de la goute d’or, à Paris, et l’approche fut plutôt festive et joyeuse.

Il y avait une performance de comédiennes qui déclamaient le texte dans un mégaphone, vêtues de façon très voyante et accompagnés d’un gorille…

J’avais été attirée par le spectacle, puis petit à petit intriguée par le texte. Peu de temps après, j’avais acheté le livre et je l’avais lu, puis relu, puis re-re lu…


Avec son essai Virginie Despentes déconstruit les clichés de la femme belle, parfaite, gentille et docile. Elle devient un corps et une voix qui s’exprime sur sa condition de femme dans la société moderne, celle que l’auteure connait. La jolie poupée lisse des magazines, qui sourit sur demande et pense ce qu’on lui a inculqué de penser, disparait peu à peu face à la crasse et la puanteur de la rue. Dans cette essai l’auteure parle de façon cash sur son parcours : viol, prostitution, alcool, pornographie…tout y passe. La révolte gronde et casse la gueule à la bienséance « Je suis furieuse contre une société qui m'a éduquée sans jamais m'apprendre à blesser un homme s'il m'écarte les cuisses de force, alors que cette même société m'a inculqué l'idée que c'était un crime dont je ne devais jamais me remettre.» C’est surtout, comme elle le dit elle-même, qu’elle a « une chatte en travers de la gueule » le plus gros problème. Avec le succès de ces romans, tout le monde se permet de lui dire ce qu’elle doit ou ne doit pas faire, comment s’habiller, penser, se comporter…

« Ecrire, c'est s'autoriser à prendre la parole à visage découvert » disait-elle dans cette même interview de Télérama. C’est ce qu’elle fera toujours, sans concession. C’est ce qui fera son succès et ce qui déchainera les foules.


Avec « King Kong Théorie », elle va donner un souffle nouveau au féminisme et à ses combats. Elle aborde la prostitution et la pornographie de façon crue et direct, en s’autorisant à faire sauter tous les tabous. En parlant de son propre viol elle finira par ces quelques mots : « Liquider l’évènement, le vider, l’épuiser. Impossible. Il est fondateur. De ce que je suis en tant qu’écrivain, en tant que femme qui n’en est plus tout à fait une. C’est en même temps ce qui me défigure, et ce qui me constitue. »


En espérant que l’avenir nous soit plus douce et tranquille, il faudra continuer à se battre et à faire avec la société dans laquelle on vit.

Et si les coups que l’on prend, au sens propre comme au figuré, laissent des traces dans nos coeurs et nos âmes, ils n’en seront pas moins fondateurs pour les futurs combats que nous mènerons.

Tous les extraits cités sont tirés de « King Kong Théorie » de Virginie Despentes.

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